LIÈGE

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LIÈGE

La principauté épiscopale de Liège eut pendant huit siècles une existence distincte de celle des autres principautés existant alors sur le territoire de l’actuel État belge. Principauté élective dotée d’institutions qui lui étaient propres et s’étendant de part et d’autre de la frontière linguistique entre parlers romans et germaniques, sur le territoire d’au moins quatre provinces belges actuelles, principauté accédant aussi à une forme de neutralité généralement reconnue et respectée, elle eut une histoire marquée par de vives tensions politiques et sociales dans la ville de Liège même.

Celle-ci fut toujours un foyer de sentiments profrançais. Aussi les événements de 1789 y furent-ils en symbiose avec les événements de France et, dès la fin de 1792, le sentiment le plus répandu y était favorable au rattachement, décrété par la Convention en mars 1793 et confirmé en 1794-1795. Préfecture du département de l’Ourthe sous le Directoire, le Consulat et l’Empire, Liège partagea dès lors le destin politique des provinces belges.

La ville fut au cœur d’un des pôles géographiques de la révolution industrielle naissante sur le continent. Liège mêla ainsi au XIXe siècle des traits lui venant de son passé particulier à ceux que détermina le développement économique nouveau de la région avoisinante. Celle-ci fut aussi, au XIXe et au XXe siècle, le foyer d’un mouvement ouvrier militant et vivace quoique traversé de tensions parfois graves et de luttes sociales fréquemment assorties de connotations ou de prolongements politiques importants.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, le bassin de Liège est confronté, comme les autres bassins wallons, aux difficultés de reconversion de ses structures industrielles.

1. La principauté de Liège

Le diocèse (Xe-XIIIe s.)

Constitué durant le bas Empire romain (civitas Tungrorum ), le diocèse de Liège engloba, au cours du haut Moyen Âge, le bassin de la moyenne et de la basse Meuse. Jusqu’en 1559, date du premier démembrement, il s’est étendu de la basse Meuse aux lisières méridionales de l’Ardenne, et de Louvain sur la Dyle jusqu’à Aix, où Charlemagne, vieillissant, avait fait bâtir sa chapelle et son palais. Très vaste (onze évêchés se partagent aujourd’hui cet espace), il rassemblait des régions diverses par le paysage, les ressources, le peuplement, les dialectes – romans et thiois. (La partie méridionale du diocèse est le berceau de la Wallonie dialectale.) Au surplus, la fragmentation féodale y fut, comme ailleurs, inévitable.

Mais ces causes de divisions furent longtemps compensées par trois éléments de cohésion: un axe, la Meuse et ses affluents; un centre, la cité de Liège; un chef, l’évêque. Entièrement navigable dans son parcours diocésain, la Meuse était jalonnée de petites villes fortifiées. Elles furent autant d’étapes de batellerie et de foyers artisanaux: Givet, Dinant (d’où vient le mot «dinanderie»), Namur (capitale d’un comté qui échappe à l’autorité temporelle de l’évêque), Huy (dont la première charte de franchise est de 1066), Maastricht, partagée entre l’évêque et l’empereur, puis le duc de Brabant (1204). Liège l’emporta sur ces villes rivales. Sanctifiée par le martyre de l’évêque de Tongres, saint Lambert, auquel son successeur saint Hubert avait consacré une église au VIIIe siècle, pourvue d’un palais épiscopal au IXe siècle, incendiée en 881 par les Normands mais reconstruite au Xe siècle, Liège reçut de l’évêque Notger (972-1008) une enceinte durable et un centre monumental: la cathédrale Notre-Dame et Saint-Lambert et ses annexes. Au XIe siècle, elle compte, en outre, sept églises collégiales et deux églises abbatiales. Au XIIe siècle, les domaines urbains concédés aux églises et aux «ministériels» épiscopaux sont desservis par vingt-six églises paroissiales. Ainsi la «cité sainte» a-t-elle engendré une «cité bourgeoise»: l’évêque Albert de Cuyck lui reconnaît vers 1196 ses libertés et franchises. Certes, les échevins, nommés à vie par les évêques, restent juges et administrateurs des bourgeois. Mais, pour gérer les institutions charitables dotées par les bourgeois, ils s’adjoignent déjà des «jurés» qui représentent la communauté.

L’Église impériale

Nommés par les monarques germaniques qui ont succédé aux Carolingiens, les évêques font hommage aux empereurs qui, jusqu’au concordat de Worms (1122), les investissent de l’episcopatus . Après ce concordat, ils n’en demeureront pas moins fidèles aux premiers Staufen. L’épiscopat est un pouvoir spirituel qui implique des actes temporels: les évêques ont le devoir de faire régner la paix et la justice sur toute l’étendue du diocèse. À cette fin, ils usent de deux moyens: la hiérarchie du clergé séculier (archidiacres, doyens, curés), d’une part; les synodes, auxquels sont convoqués non seulement les clercs et les «ministériels» épiscopaux, mais aussi les «seigneurs de la terre», d’autre part. Selon l’exemple français, l’évêque Henri de Verdun crée même dans sa cité le «Tribunal de la paix» (1082). De Liège, cette institution se propagera dans l’empire. Mais cette ambition fut restée vaine si, aux armes spirituelles, ne s’étaient ajoutés des moyens matériels. Les évêques les ont obtenus depuis les crises monarchiques des IXe et Xe siècles, ou comme récompenses de leur fidélité: villes, abbayes, châteaux, droits régaliens (marchés, monnaie, tonlieux) et terres, où ils ont taillé des fiefs pour leur «milice» (chevaliers). L’évêque est devenu si puissant que la comtesse de Hainaut lui prête hommage pour son comté. Cet hommage se maintint de 1071 à 1408.

L’«Athènes du Nord»

Survivance des traditions carolingiennes, fidélité aux empereurs, rapports constants avec les évêchés de haute Lorraine (Metz, Toul, Verdun) et du Rhin, chevauchées italiennes, croisades vers Byzance et la Terre sainte, primauté ecclésiastique: ces faits ont modelé la civilisation qui s’épanouit sur les rives de la Meuse, durant l’époque romane. De Nivelles à Stavelot règne une architecture apparentée à l’art rhénan. Formés dans les «écoles notgériennes» du XIe siècle, des clercs et des moines ont propagé, du Rhin en Pologne, la «renaissance ottonienne» et les réformes monastiques lorraines, tandis que des chroniqueurs alors illustres (particulièrement Sigebert de Gembloux), des théologiens (Alger de Liège, Rupert de Saint-Laurent, qui sera abbé de Deutz), des théoriciens de la musique et des compositeurs, des orfèvres habiles comme Renier et Godefroid de Huy ou Nicolas de Verdun faisaient de leur patria terrestre – le diocèse – l’une des provinces les plus cultivées de l’empire. «Liège, Athènes du Nord» dira l’un d’eux, non sans un naïf orgueil.

Le «pays de Liège» (XIIIe-XVe s.)

La principauté

Pour Liège, en pleine expansion, tout change au XIIIe siècle. Ses évêques ne sont plus nommés par les empereurs mais, pour diverses raisons, par les papes (1238-1418). Une Église pontificale supplante donc l’Église impériale, tandis qu’au rêve d’une unité diocésaine succède la réalité de divers pays: duché de Brabant, comtés puis duchés de Luxembourg et de Gueldre, comté de Namur, etc. Ces pays tendent non à se fondre, mais à se maintenir, à s’accroître. C’est le cas du pays de Liège. La victoire qu’il remporte à Steppes, en 1213, sur le duc Henri Ier de Brabant (qui avait pillé Liège l’année précédente) le sauve pour longtemps des ambitions brabançonnes. Lorsque, après trente ans de luttes obtinées, le comté de Looz (d’où proviennent les Van Eyck) est soumis à la seigneurie directe des évêques (1366), la «principauté» de Liège trouve enfin les frontières qu’elle conservera, dans leur ensemble, jusqu’à la disparition de l’Ancien Régime.

De cette principauté, l’évêque, nanti de la plénitude des droits régaliens par Frédéric II, est prince. Mais, élu par le chapitre de la cathédrale (sous réserve de la confirmation pontificale) ou nommé directement par le pape, il n’est que prince «viager». Dès avant 1300, le chapitre s’affirme «tréfoncier» du pays de l’épiscopat de Liège. Cependant, le chapitre non plus ne peut gérer le pays à sa guise: «chevaliers» (groupant des descendants de la noblesse et de la ministérialité et, par la suite, des bourgeois enrichis) et les villes liégeoises, liguées depuis 1229, n’entendent pas être menés contre leurs intérêts et leurs volontés. De là, ces guerres et ces «paix» qui fixent la constitution du pays. En 1316, à Fexhe, près de Liège, l’évêque Adolphe de la Marck reconnaît que la loi ne peut être modifiée sans le concours et l’assentiment du «pays», c’est-à-dire des États. Ses officiers sont soumis à cette loi. S’ils l’enfreignent, ils seront jugés et contraints. À cet effet, le Tribunal des XXII est définitivement institué en 1373. Seul, le prince est «irresponsable» (1376). Cette disposition sera reprise par la Constitution belge de 1831.

Dans cette évolution, Liège est à la pointe du combat. De telle façon qu’au terme de ce mouvement, le pays de l’épiscopat de Liège est vraiment devenu le «pays de Liège». Au surplus, le pouvoir municipal est passé des «gens de lignage» (échevins et jurés), massacrés en 1312, aux «gens de métiers» (1313). La dure réaction de deux évêques et leurs victoires momentanées (1331 et 1347) rétablissent des conseils municipaux mixtes. Mais les «métiers» (stabilisés au nombre de trente-deux) se révèlent si puissants qu’en 1384 les «grands», renonçant à élire séparément leurs conseillers et leur bourgmestre, s’y font recevoir pour user de leurs droits politiques.

Triomphe de la démocratie, a-t-on répété à ce propos, la réalité est différente. Seuls électeurs du magistrat urbain – donc du tiers état –, les métiers ont aussitôt cherché à restreindre le bénéfice du pouvoir aux «riches de sens et d’avoir», nobles ou roturiers. Dans le choix annuel des deux bourgmestres, l’élection directe par les métiers est abandonnée en 1424 au profit d’un système compliqué ou interviennent vingt-deux commissaires élus à vie. Il n’en reste pas moins que, pour le temps, ce régime est exceptionnellement libéral.

Les drames du XVe siècle

Le contrôle de leur pouvoir est précisément ce que ne peuvent supporter des princes de sang royal comme Jean de Bavière (1390-1418) et Louis de Bourbon (1456-1482). Pour tenir leur rang et suppléer à l’insuffisance des recettes du domaine épiscopal, ils devraient établir un impôt permanent et augmenter les ressources de leurs juridictions. Mais comment y parvenir sans le consentement de leurs sujets ou sans modifier les lois fondamentales du pays qu’ils ont juré de respecter à leur avènement? Contre l’élu, Jean de Bavière – le prince de Wittelsbach a toujours refusé d’être prêtre et évêque, et ses adversaires l’accusent de vouloir séculariser l’évêché (un siècle avant Luther) –, le pays se soulève à trois reprises. En 1406, il proclame la déchéance de Jean, élit un régent lié à Louis d’Orléans, postule un évêque que confirme le pape d’Avignon. Chassé de Liège, assiégé dans Maastricht, Jean de Bavière ne peut l’emporter que par les armes de ses «alliés charnels», son frère le comte de Hainaut-Hollande, son beau-frère le duc de Bourgogne. Après s’être débarrasé à Paris de Louis d’Orléans (1407), Jean sans Peur peut enfin intervenir. Les Liégeois sont écrasés à Othée (1408). Le pays et la cité perdent leurs institutions et sont soumis au tribut (sentence de Lille). Rentré à Liège et jouissant désormais d’un pouvoir absolu, Jean de Bavière peut, jusqu’à son abdication (1418), satisfaire ses goûts de mécène: il a découvert les Van Eyck et leur commande d’illustrer ses pensées et ses victoires. C’est seulement après la mort de son premier maître, devenu régent de Hollande et duc de Luxembourg, que Jean Van Eyck sera engagé par Philippe le Bon (1425).

Cependant, en 1429, Jeanne d’Arc délivre Orléans et fait couronner le dauphin à Reims. Liège croit venue l’heure de la revanche, au moment même où Philippe le Bon, qui a acheté le comté de Namur en 1421, s’établit sur la Meuse moyenne. Entreprise avec rage, tandis que Philippe est occupé au siège de Compiègne où Jeanne est capturée, la guerre tourne court: à nouveau, Liège doit céder. Devenu duc de Brabant (1430), Philippe donne une impulsion nouvelle aux ambitions lotharingiennes de ses prédécesseurs. Insérée dans les Pays-Bas bourguignons, la principauté doit se soumettre ou périr. En 1456, Philippe lui impose comme évêque son jeune neveu, Louis de Bourbon: Liège a pour prince son ennemi. Se révoltant contre ce «protectorat», elle élit un régent, et accepte l’alliance de Louis XI aux abois (1465). De 1465 à 1468, le drame se consomme dans des batailles inégales. En 1466, Dinant, la ville des riches batteurs, est entièrement pillée et incendiée. Deux ans plus tard, c’est le tour de Liège, «la petite France de Meuse» (Michelet), qui crie «vive le roi» en assaillant le camp bourguignon. La ville est prise d’assaut sous les yeux de Louis XI. Tout ce qui est transportable est enlevé et dispersé dans les provinces bourguignonnes. Le reste est détruit, puis le feu mis à la ville. Dans l’esprit de Charles le Téméraire, il n’en doit rien demeurer, sinon les églises vidées de leurs trésors et le souvenir de sa vengeance. Le pays massacré, rançonné, anéanti ne retrouvera son indépendance et ses institutions qu’à la mort du Téméraire en 1477.

L’épanouissement des lettres et des arts

Depuis la fin de l’Église impériale, les temps ont bien changé sur les rives de la Meuse. Nuancée par des traditions régionales, l’architecture est devenue gothique (française) et les universités l’ont emporté sur les vieilles écoles de chanoines. Celle de Paris, surtout, attire les Liégeois. Certains y ont enseigné, tel le théologien Godefroid de Fontaines, chanoine de Saint-Lambert. Il y avait appris et défendu, à l’occasion, les théories politiques d’Aristote et les avait propagées dans son chapitre liégeois: dix ans après sa mort, ses confrères dictent à l’évêque Adolphe de la Marck, lui-même formé à Orléans, le respect de la loi commune, antérieure et supérieure au prince (paix de Fexhe, 1316). Licenciés ou docteurs, qui ont obtenu des prébendes canoniales grâce à leurs diplômes universitaires, pèlerins de retour au pays, marchands qui trafiquent aux foires de Champagne, évêques d’origine ou de formation française, alliés, puis hommes liges des rois entre 1304 et 1364, répandent dans le pays ce qu’ils ont appris en France: non seulement des formes gothiques ou des doctrines politiques et juridiques, mais la polyphonie nouvelle, les chansons, les romans, la langue de France.

Phénomène décisif pour l’avenir: quand ils n’usent pas du latin, les clercs de la chancellerie épiscopale, de la cité, des villes wallonnes n’écrivent pas en wallon, mais dans la langue commune que se forge la France d’oïl. De même les échevinages locaux, les notaires, les chroniqueurs laïcs, les «romanciers», comme Jean d’Outremeuse qui versifie la Geste de Liège . Chanoine somptueux et chroniqueur chevaleresque, Jean le Bel sera, pour Froissart, un modèle. Cependant, la plupart de ces écrivains restent malhabiles dans le maniement du français. Le wallon du foyer, voire le thiois, altèrent les formes. Mais d’autres moyens permettaient d’exprimer le génie du temps: la musique, la sculpture, la peinture.

Pour suppléer les chanoines nobles ou gradués (rarement prêtres), les chapitres de la principauté ont recruté et entretenu de nombreuses générations d’enfants de chœur, de choristes, d’instrumentistes. Au XIVe siècle, beaucoup suivent leurs maîtres à la cour d’Avignon, où les papes sont de munificents distributeurs de prébendes canoniales. Puis, avec le cardinal Albornoz et la papauté, ils franchissent les Alpes et découvrent l’Italie. L’un d’eux, Johannes Ciconia, qui fut chanoine à Liège et à Padoue, tira de l’ars nova française et de l’ars nova italienne une ars novissima qui ouvrit les voies à la polyphonie du XVe siècle. Une foule d’autres vont se faire connaître dans les chapelles de France, d’Italie, d’Allemagne: le mouvement ne s’achèvera qu’avec l’Ancien Régime.

Les temps modernes

La politique extérieure

Rétablir ce qui avait été, telle fut la première pensée de Liège à la mort de Charles le Téméraire (paix de Saint-Jacques, 1487); avec un correctif toutefois: tenir compte de l’expérience. De là, deux constantes qui vont dominer la politique de Liège tout au long des temps modernes: contenir les forces populaires à l’intérieur; faire connaître la neutralité du pays à l’extérieur (1492). Cette volonté a souvent opposé le prince au pays. Rien de plus naturel dans un État représentatif, la raison d’État n’est pas nécessairement la raison du prince. Lorsqu’en 1518, Évrard de La Marck vend son alliance et celle de son pays à Charles Quint, il obtient le chapeau de cardinal et de grasses prébendes. Mais le pays y perd Bouillon et son duché, enlevés par les Français en 1552 et cédés au prince de Sedan. Aussi va-t-il profiter de la révolution des Pays-Bas contre Philippe II pour refuser le renouvellement de l’alliance.

Plus tard, les guerres de l’Europe catholique et protestante ont incité l’Église à transformer la principauté en apanage réservé aux Wittelsbach cadets, archevêques de Cologne et électeurs d’Empire (1580-1723). Ainsi le pays fut-il entraîné dans les aventures de ces princes. La France, l’Espagne, la Hollande y entretenaient des représentants, intervenaient dans les conflits intérieurs. Richelieu et Mazarin ont gagné sans peine à leur cause le parti populaire et des bourgmestres. Par la suite, ce sont les princes eux-mêmes (Maximilien-Henri et Joseph-Clément de Bavière) qui s’allient à Louis XIV. Entre ces deux règnes, un petit prince local, Jean-Louis d’Elderen, adhéra, comme prince d’Empire, à la ligue d’Augsbourg; en conséquence, Liège fut occupée par les adversaires de Louis XIV et bombardée par Boufflers en 1691.

Ces mésaventures expliquent qu’en dépit de sollicitations opposées, le pays revenait toujours à sa neutralité. Du reste, Richelieu et Mazarin n’intervenaient, disaient-ils, que pour la maintenir contre l’Espagne, qui se résigna à la reconnaître en 1654. En fait, les Liégeois avaient mesuré leur faiblesse à l’aune de leurs désastres du XVe siècle. Leurs frontières étaient indéfendables. Une armée permanente eût été inutile, ruineuse, dangereuse seulement pour les libertés publiques. Sans doute devaient-ils accepter que cette neutralité fût «perméable». Comment empêcher le passage d’armées royales dans le couloir qui unissait la France de Richelieu et de Mazarin à ses alliés des Provinces-Unies, qui permettait d’attaquer de flanc les Pays-Bas espagnols, qui liait, par les ponts de la Meuse, les Habsbourg d’Espagne et d’Autriche? Ces passages, ces cantonnements étaient désastreux. Mais la neutralité avait aussi un avantage: elle autorisait le commerce avec tous les belligérants. Ce fut l’une des causes du destin industriel de Liège. Il était nettement dessiné lorsque la paix fut rétablie en 1713-1715.

L’évolution économique et sociale

Vers 1550, Liège est entièrement reconstruite. Sa population s’est reconstituée; cent ans plus tard, elle a doublé et compte environ 45 000 habitants. Entre ces deux dates, le «capitalisme» particulier aux temps modernes a pris son essor. Capitalisme financier engendré par les nouveaux impôts de l’État, indirects («gabelles») et douaniers («soixantième»); tous indispensables et tous affermés, ils enrichissent les fermiers d’impôts dont dépend le prince. Appliquée aux fourneaux et aux marteaux qui, depuis 1548, se groupent aux alentours de Liège, la force hydraulique est, à la fin du XVIe siècle, étendue aux «platineries», aux tréfileries, aux «fenderies». Le but? Compenser l’enrichissement excessif du minerai et du charbon de bois en comprimant les frais de main-d’œuvre. La clouterie liégeoise se développe et exporte dans toute l’Europe et, par les ports hollandais, jusqu’aux Indes. D’autre part, recrutant sur place une main-d’œuvre expérimentée, d’audacieux entrepreneurs ne tardent pas à transférer ces mécaniques nouvelles dans des pays riches en fer: les de Geer, en Suède, forgent pour Gustave-Adolphe les armes de la victoire.

Les guerres européennes stimulent la manufacture d’armes: balles et boulets, mousquets et pistolets, piques et corselets. L’industrie des armes à feu restera dès lors une spécialité de Liège. On fabrique aussi quantité de salpêtre et de poudre. La fermeture de l’Escaut par les Hollandais empêche l’importation de l’alun méditerranéen, indispensable à l’industrie textile ruinée en Flandre. Ces circonstances incitent les Liégeois à «distiller» l’alun des pyrites mosanes et à fabriquer des «verres à la façon de Venise», qui ne parviennent plus à Anvers, tandis que l’industrie textile se développe à Verviers et aux alentours.

Cet essor industriel ne résulte pas seulement de l’extension des marchés mais d’une cause technique: comme alors en Angleterre, l’emploi de la «houille», moins chère que le bois, abaisse le prix de revient, augmente les bénéfices, décourage la concurrence. La position conquise par l’industrie charbonnière devient fondamentale. L’extraction se poursuivant sous le niveau des «areines» médiévales, la législation est modifiée pour encourager le creusement de nouvelles areines (1582) et des machines d’exhaure sont montées à grand frais. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les Liégeois passent pour les maîtres en ce domaine, tant à la cour de Louis XIV (machine de Marly) qu’en Angleterre.

Cependant, à la même époque, la dépression s’amorce: baisse des prix, protectionnisme des États voisins – France et, plus encore, Pays-Bas espagnols –, prises répétées des villes, ruine des campagnes. Déjà tendus par l’inégalité des produits durant la période d’expansion, les rapports sociaux s’aigrissent. La «fronde» populaire incite les bourgeois enrichis à s’allier à Ferdinand de Bavière, en quête de ressources, d’impôts, de soumission. Libéré de la guerre européenne en 1648, le prince tourne ses armes contre son peuple, reprend Liège (1649), lui impose un régime aristocratique et une citadelle (1650) que les Français feront sauter en 1676.

Le régime corporatif est alors rétabli mais le désordre fait peur. En 1684, Maximilien-Henri de Bavière l’emporte: les métiers perdent définitivement leur rôle politique. Le prince nomme la moitié du conseil urbain, l’autre moitié étant choisie par seize chambres de trente-six électeurs, qui sont tous désignés par le prince.

C’est ce régime, dont la légalité est contestée, qui s’effondre en 1789 sous les coups conjugués du peuple et du parti noble et bourgeois, gagné aux idées philosophiques françaises.

La vie culturelle

Les virtuosités du gothique tertiaire, l’esthétique de la Renaissance enseignée par Lambert Lombard († 1566) et exprimée par d’admirables graveurs comme Suavius, la répression de la Réforme, modérée par le tiers état, ont marqué la cité qui se reconstruit. Mais c’est la Contre-Réforme qui va exercer une influence durable. En un siècle, une centaine de couvents sont édifiés dans la principauté et celle-ci est solidement liée à Rome. Vont s’y former étudiants et artistes: théologiens, juristes, peintres, sculpteurs (notamment le plus remarquable, Jean Del Cour), musiciens rapidement séduits par le stile nuovo de Monteverdi. Un «hospice liégeois» est fondé à Rome, en 1699, qui hébergea quelque deux cents artistes liégeois au XVIIIe siècle, notamment Grétry.

Mais, entre Rome et Liège, il y a la France. Des Liégeois y sont attirés au moment où Richelieu, Séguier et Mazarin préparent au Roi-Soleil l’aube éclatante de son règne. Ainsi, le sculpteur et graveur Jean Warin, qui deviendra graveur général des monnaies du royaume, et Henri Dumont, maître de chapelle de Louis XIV (le peintre Gérard de Lairesse introduit en Hollande l’académisme franco-romain). Cette aventure se répète au XVIIIe: de retour d’Italie, Grétry devient à Paris, l’un des maîtres de l’opéra français; Jean Duvivier retrouve la gloire de Warin dans la frappe des médailles; Gilles Demarteau multiplie, dans ses gravures, les dessins de Boucher, de Parrocel, de Fragonard. Réciproquement la France rayonne sur la principauté par sa langue, son théâtre, ses modes. Avec quelque retard, les styles Louis XIV, rocaille, Louis XVI inspirent l’architecture et le décor des édifices que font construire chanoines, abbés, nobles et bourgeois qui détiennent, avec l’influence politique, les profits de la terre, du commerce, de l’industrie. Maçons, stucateurs italiens, peintres, décorateurs, orfèvres, ébénistes, qui conservent un accent local aux meubles liégeois, vivent de leurs commandes.

Dans ce terrain bien préparé, les idées nouvelles pénétrent sans peine; mieux: elles trouvent pour les propager des organes comme le Journal encyclopédique de Pierre Rousseau, le Journal général de l’Europe de C. F. Lebrun (le futur ministre girondin fixé à Liège), des loges, enfin la Société libre d’émulation instituée en 1779 grâce à l’appui du prince-évêque franc-maçon Velbrück. Les assises intellectuelles et matérielles d’un nouveau monde sont proposées au moment où la poussée démographique multiplie une main-d’œuvre à bon marché, où la mendicité augmente, où l’industrie façonnée pour l’exportation étouffe dans des frontières trop étroites, où la dîme est critiquée et l’inégalité fiscale attaquée.

Les maladresses du successeur de Velbrück, Hoensbroeck, opposent le prince à la «nation». Après la prise de la Bastille et la nuit du 4 août 1789, la révolution éclate à Liège. Elle fut même «la seule que la France put susciter à son image», écrivait Georges Lefebvre. On trouvait «gothique» – et contraire à la paix de Fexhe – la prétention de l’évêque et du chapitre d’être souverains du pays. La nation seule était souveraine et, ne pouvant décapiter l’évêque qui avait émigré, elle détruisit la cathédrale dont la cité était née. La principauté ne devait pas lui survivre.

Pour sauver la révolution que menaçait une deuxième offensive autrichienne (1793), la dernière Assemblée nationale liégeoise vota, à la majorité de ses membres, la réunion de la ci-devant principauté à la République française. La Convention ratifia définitivement ce vote le 1er octobre 1795 et la République divisa l’ancien pays de Liège entre divers départements.

2. Liège aux XIXe et XXe siècles

Une industrialisation précoce

Sous le Directoire, le Consulat et l’Empire, Liège est la préfecture du département de l’Ourthe. Le concordat y rétablit un évêché, dont la juridiction s’étend au département de la Meuse-Inférieure.

Liège forme alors avec Verviers un des pôles géographiques majeurs de la révolution industrielle sur le continent. La nouvelle législation française y favorise la formation d’entreprises plus importantes et mieux équipées. La Fonderie impériale de canons y est créée. Sous le régime hollandais (1815-1830), Liège devient en outre le siège d’une université d’État. Le développement industriel s’y poursuit sur les sites d’exploitation des gisements de charbon.

L’industrialisation précoce s’accompagne d’une concentration également précoce du pouvoir économique autour d’entreprises de grande dimension. Ainsi l’entreprise de construction de machines textiles fondée à Verviers par William Cockerill et ses fils diversifie rapidement et multiplie ses implantations. Le château de Seraing, ancienne résidence d’été des princes-évêques de Liège, accueille en 1817 un premier grand complexe sidérurgique à l’initiative des frères John et James Cockerill. Cet investissement permet la mise en œuvre de nouvelles techniques et débouche sur de nouveaux produits. En 1829, Cockerill fournit le premier bateau à vapeur pour la navigation rhénane. La reprise d’ateliers existants à Ougrée par G.-A. Lamarche sera par ailleurs le point de départ d’un autre pôle de la sidérurgie liégeoise.

Même si une fraction de la bourgeoisie locale est, avec Cockerill, orangiste, c’est-à-dire favorable au maintien des liens avec les Pays-Bas du Nord, la participation liégeoise aux événements de 1830 qui conduisent à l’indépendance de la Belgique est importante. Membre du gouvernement provisoire, le libéral Charles Rogier est une figure dominante de la vie politique nationale. Il participe à de nombreux gouvernements et dirige plusieurs d’entre eux. C’est notamment sous son impulsion qu’est décidée en 1834 par le gouvernement la création aux frais de l’État d’un réseau de chemins de fer, décision ouvrant un marché considérable aux charbonnages et aux entreprises métallurgiques et créant aussi un important recours au marché des capitaux.

Le bassin industriel liégeois se développe, avec des interventions des banques mixtes comme la Banque de Belgique et la Société générale (dont le siège est fixé à Bruxelles) qui favorisent la concentration des entreprises. L’association de l’exploitation charbonnière et de la sidérurgie caractérise de façon durable l’économie liégeoise qui se diversifie avec le développement de secteurs traditionnels comme l’armurerie (que perpétuera plus tard la Fabrique nationale d’armes de guerre de Herstal) et de secteurs plus nouveaux comme l’industrie des métaux non ferreux (autour notamment de la Vieille Montagne).

L’industrie liégeoise bénéficie alors d’un réseau d’infrastructures important: le canal de Campine assure la liaison avec Anvers, l’aménagement du cours de la Meuse, la jonction avec Rotterdam, les chemins de fer, le lien avec les grandes capitales européennes.

Luttes politiques et sociales

Tandis que Hubert Frère-Orban succède progressivement à Charles Rogier comme chef de file des libéraux liégeois, avec des orientations plus marquées dans le sens du libre-échangisme du point de vue économique, du conservatisme du point de vue social et de l’anticléricalisme du point de vue des relations avec le monde catholique, le mouvement ouvrier s’organise sous des formes diverses et s’exprime à travers diverses publications. La création, en 1867-1868, de la section liégeoise de l’Association internationale des travailleurs opère une première cristallisation. Une grève violente aux usines Cockerill à Seraing connaît en 1869 une répression sanglante.

Une certaine influence anarchiste sur le mouvement ouvrier liégeois est indéniable, notamment au lendemain de la Commune de Paris. Elle freine ou restreint le passage à l’action politique organisée, même si des Liégeois engagés dans des coopératives, des syndicats et des mutualités participent à la création à Bruxelles, en 1885, du Parti ouvrier belge. Elle s’exerce encore lors du déclenchement de la manifestation du 18 mars 1886, qui est le point de départ d’événements sociaux d’une extrême gravité dans les centres industriels wallons. Il s’agit d’un véritable tournant dans l’histoire sociale: grèves et émeutes n’avaient jamais connu une telle violence et une telle extension; il n’y en aura jamais plus de comparables, échappant ainsi au contrôle des forces ouvrières organisées. Mais le bassin liégeois restera le centre d’un mouvement ouvrier vivace et traversé de fréquentes tensions.

Dans sa majorité, ce mouvement est socialiste et anticlérical, mais le monde catholique liégeois est à la fin du XIXe siècle le lieu d’un débat très vif sur la question de l’autonomie des organisations ouvrières chrétiennes. Ce débat s’amorce lors des congrès des œuvres sociales tenus à Liège sous l’égide de l’Église en 1886, en 1887 et en 1890 et tout particulièrement lors de ce dernier, où est prévue une intervention de l’abbé Pottier, professeur de théologie au Grand Séminaire. Avec ce dernier, on est aux origines d’une démocratie chrétienne soucieuse de s’affirmer nettement face aux conservateurs catholiques.

Des listes distinctes sont même présentées lors des élections législatives de 1894, sans toutefois obtenir de siège. Les interventions successives de l’évêque de Liège, Mgr Doutreloux, et de la nonciature entraînent d’ailleurs la résorption rapide de la formation autonome et la présentation de listes communes où les conservateurs sont contraints de faire une place aux démocrates-chrétiens.

Dès l’instauration d’une première forme de suffrage universel, le socialisme s’impose comme la force politique majoritaire, non dans la ville elle-même, mais dans les communes à forte population ouvrière de la périphérie. À partir de 1921, il y est cependant concurrencé par le Parti communiste.

Dès l’extrême fin du XIXe siècle, Liège devient un des foyers du mouvement wallon qui naît en réaction contre ce qui est perçu par certains comme une mainmise ou un risque de mainmise flamande sur l’État belge. C’est un sénateur de Liège, Émile Dupont, qui s’écrie, lors de la séance du 10 mars 1910 du Sénat, dont il est le vice-président: «Vive la séparation administrative.»

Dans l’entre-deux-guerres, des socialistes liégeois participent à l’élaboration de plans visant à l’instauration d’un régime fédéral en Belgique. Ce sont des parlementaires socialistes liégeois qui présentent en 1938 une première proposition de loi en ce sens.

L’époque est aussi celle de la crise économique, touchant gravement certains secteurs, celle encore de conflits sociaux importants: grèves d’entreprises (Ougrée-Marihaye en 1921...), de secteurs (la métallurgie en 1925) ou grèves générales (1932, 1936).

Dès 1940, la résistance antinazie se manifeste à Liège. Un journal clandestin prend le titre de Monde du travail . Des mouvements s’organisent, essentiellement liégeois comme le Rassemblement démocratique et socialiste wallon ou s’étendant à toute la Wallonie comme Wallonie libre, Rénovation wallonne... Après la «grève des 100 000» de mai 1941, Liège deviendra aussi le centre de gravité du Mouvement syndical unifié créé dans la clandestinité par André Renard.

Le défi de la reconversion

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie liégeoise connut un certain redressement après les années de crise, grâce en particulier à l’achèvement du canal Albert reliant Liège à Anvers. Elle se maintint dans les années d’après guerre, son potentiel ayant été préservé pour l’essentiel.

Elle fut toutefois confrontée dès 1959 à la crise charbonnière: peu à peu, les charbonnages cessèrent leurs activités, sans opérer, sauf exception, de véritable reconversion. Cette crise ne fut cependant que le signe avant-coureur d’une crise plus générale, plus profonde, due au vieillissement des structures industrielles des bassins wallons.

Vers 1970, une fusion englobant les principales unités de production liégeoises parut mettre la sidérurgie du bassin en position de faire face aux difficultés. Il ne s’agissait toutefois que d’un palier dans un processus irréversible: quelque dix ans plus tard, après fusion des principales unités de production wallonnes, l’intervention financière des pouvoirs publics fut nécessaire; toute la sidérurgie des bassins wallons fut contrainte de réduire ses capacités de production, en application des décisions prises au niveau national et au niveau européen. Entre-temps, la crise s’était étendue aux autres secteurs. Par ailleurs, l’université de Liège s’était implantée sur un nouveau site, hors agglomération, le Sart Tilman.

Liège, dont la population vit spontanément le 14 juillet à la manière d’une fête nationale, est resté un lieu de vie sociale intense. Les événements de l’été de 1950, lors du dénouement de la question royale, et ceux de l’hiver de 1960, lors des grèves contre le projet gouvernemental dit de loi unique, y ont été marqués par des affrontements particulièrement vifs. Liège demeure un foyer du mouvement wallon, fréquemment teinté de francophilie, même chez des personnalités officielles.

En 1976-1977, une opération de restructuration par fusion de communes donna naissance à des entités plus importantes: ce fut le cas de la ville de Liège elle-même et des principales communes de son agglomération.

De 1983 à 1988, la ville de Liège, aux prises avec de graves difficultés financières, a été gérée par un collège des bourgmestre et échevins associant les socialistes et les écologistes; il s’agissait pour les écologistes d’une première expérience de participation au pouvoir au niveau d’une grande ville.

Après les élections communales d’octobre 1988, les socialistes s’allièrent aux sociaux-chrétiens. La nouvelle coalition est confrontée aux graves difficultés financières du Centre public d’aide sociale.

Les tensions internes, traditionnellement caractéristiques du mouvement socialiste fortement implanté dans les communes du bassin industriel, se sont trouvées ainsi avivées.

Un élément dramatique est survenu le 18 juillet 1991: l’assassinat du ministre d’État André Cools, ancien président du Parti socialiste. L’enquête menée pour tenter de l’élucider a été jalonnée, elle aussi, de moments de forte dramatisation.

liège [ ljɛʒ ] n. m.
• 1180; lat. pop. °levius, de levis « léger »
1Cour. Matériau léger, imperméable, isolant et élastique, formé par la couche externe de l'écorce de certains arbres, en particulier du chêne-liège. Détacher de l'arbre le premier liège ou liège mâle. démascler. Liège femelle : deuxième couche de liège. Bouchon, flotteurs en liège. Semelles de liège. Liège aggloméré. Garni de liège (ou liégé, ée adj. ).
2Bot. Tissu de protection des spermaphytes (dont le chêne-liège) formé de cellules mortes remplies d'air et dont la membrane est imprégnée de subérine. Pores du liège. lenticelle.

liège nom masculin (latin populaire levius, du latin classique levis, léger) Matériau épais, imperméable et léger, fourni par l'écorce de certains arbres et particulièrement du chêne-liège. Synonyme de bitter pit. Planchette de bois incurvée munie d'une poignée et recouverte d'une couche de liège, dont se servent les corroyeurs pour assouplir les peaux. ● liège (synonymes) nom masculin (latin populaire levius, du latin classique levis, léger) Matériau épais, imperméable et léger, fourni par l'écorce de certains...
Synonymes :
Synonymes :

Liège
n. m.
d1./d Matière spongieuse, imperméable, peu dense, fournie par l'écorce de certains arbres, notam. du chêne-liège.
d2./d BOT Tissu protecteur secondaire des plantes dicotylédones, constitué par des cellules mortes emplies d'air, dont la paroi est imprégnée d'une substance lipidique.
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Liège
(en néerl. Luik) v. de Belgique, au confl. de la Meuse et de l'Ourthe canalisée; ch.-l. de la prov. du m. nom; 196 000 hab. (aggl. urbaine 600 000 hab.). Grande ville industr., port fluvial import. relié à Anvers par le canal Albert.
Université. Cath. goth. St-Paul (Xe s. et XIIIe-XVe s.); égl. St-Barthélemy (XIe s.) comprenant des fonts baptismaux en laiton du XIIe s.; égl. St-Denis (XIe s.); palais des princes-évêques (XVIe s.), etc. Musées. Hist. - Liège devint v. l'an 1000 le siège d'une principauté ecclésiastique appartenant au Saint Empire romain germanique. Celle-ci se dota alors d'écoles dont la réputation devint internationale. à partir du XIVe s., les mines de charbon accélérèrent l'essor de Liège, grande ville industr. (textiles, armes) et commerçante. Au XVe s., Liège fut convoitée par les ducs de Bourgogne; en 1468, Charles le Téméraire incendia la ville. En 1482, Guillaume de La Marck fait tuer le prince-évêque mais il est décapité (1485). En 1492, l'empereur Maximilien d'Autriche reconnaît à la principauté de Liège son indép., qui durera jusqu'à la conquête française (1792). En 1815, la principauté est donnée aux Pays-Bas. En 1830, elle rejoint la Belgique indépendante et Liège devient bientôt un des grands centres industriels d'Europe.
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Liège
(principauté de) principauté ecclésiastique née vers l'an 1000 et qui connut une totale indépendance de 1492 à 1792. (V. Liège).
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Liège
(province de) prov. de la Belgique orient. qui fait partie de la Communauté française de Belgique et de la Région wallonne; 3 874 km²; 992 000 hab.; ch.-l. Liège. La vallée de la Meuse, en amont et en aval de la ville de Liège, et les basses vallées affluentes constituent l'axe industr. de la province (sidér., métall.) et séparent le plateau limoneux de la Hesbaye (céréales), au N.-O., des plateaux du Condroz et du pays de Herve, régions d'élevage. à l'extrémité S.-E., les Hautes Fagnes font partie de l'Ardenne, région d'exploitation forestière et d'élevage.

⇒, subst. masc.
A. — Matière élastique et imperméable d'une grande légèreté, constituée par la partie externe de l'écorce du chêne- liège et employée à divers usages. Liège mâle; liège femelle ou liège de reproduction; la récolte du liège; liège brut, aggloméré, ouvré; planches, plaques de liège; bouchons, semelles de liège. Si l'on chauffe des lièges granulés jusqu'à ce que la résine ou subérine contenue dans chaque grain vienne à la surface, un coup de presse suffit à coller tous les grains entre eux et à en faire un produit très homogène qui se livre en plaques d'épaisseurs variées (0,01 cm à 0,10 cm). C'est un matériau remarquablement isolant et résistant (Arts et litt., 1935, p. 2-11) :
La terre brûlait ses gros souliers, l'horizon tournait comme une roue. Il se sentait plus léger qu'un homme de liège, merveilleusement libre et léger, dans l'air élastique. « Je me crus dégagé des liens mortels », note-t-il.
BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 260.
P. méton.
Chêne-liège. La Sierra Morena, avec ses grandes assises de marbre rouge, ses chênes verts et ses lièges (GAUTIER, Italia, 1852, p. 23). Voici aussi des lièges, des cyprès, des érables (LORRAIN, Heures Corse, 1905, p. 34).
Bouchon, flotteur de liège. Le pêcheur patient prend son poste sans bruit, (...) Penché, l'œil immobile, il observe avec joie Le liége qui s'enfonce et le roseau qui ploie (DELILLE, Homme des champs, 1800, p. 44). Que m'importe de lire sur le liége d'une bouteille, au lieu de vin à douze ou vin à quinze, société œnophile, ou telle autre fabrique qu'on voudra? (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 304).
TECHNOL. Instrument fait d'une pièce de bois recouverte de plaques de liège, utilisé par les corroyeurs pour liéger les peaux. Liège à main, liège à bras (Nouv. Lar. ill.).
B. — BOT. Tissu secondaire recouvrant les tiges et racines de nombreuses plantes vasculaires, constitué de cellules mortes remplies d'air, dont la membrane est imprégnée de subérine. Synon. suber. Les couches superficielles de la tige âgée sont occupées par du liège, qui constitue pour la plante un revêtement protecteur. Il étendrait autour d'elle une cuirasse isolante si, par places, il ne subissait des modifications qui créent des voies d'aération : on les appelle des lenticelles (Bot., 1960, p. 576 [Encyclop. de la Pléiade]).
REM. 1. Liéger, verbe trans. a) Pêche. Garnir de flotteurs de liège. Liéger une ligne, un filet. La senne est un filet à simple nappe, dont la ralingue supérieure est fortement liégée et celle inférieure plombée (BOYER, Pêches mar., 1967, p. 52). b) Peauss. Assouplir un cuir ou une peausserie à l'aide d'un liège, tout en donnant à sa surface un aspect finement ridé (d'apr. RAMA 1973). Pour accroître sa souplesse, on roule le cuir sur lui-même, après pliage, soit à la main à l'aide d'un outil nommé liège du fait de sa garniture en liège, soit mécaniquement à la machine à liéger (BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 110). 2. Liégeur, subst. masc. Ouvrier qui fait la récolte du liège. Il avait marié le plus réussi, le mieux dégrossi de ses petits-fils à la fille d'un marchand de biens (...) qui tenait un vieux bouchon à tonnelle restauré par elle et servait sous les bambous casse-croûte et boissons aux rouliers, aux saisonniers, aux liégeurs (MORAND, Homme pressé, 1941, p. 141). 3. Liégeux, -euse, adj. Qui est de la nature du liège, qui en a l'aspect, l'apparence. Écorce liégeuse. (Ds Pt Lar. 1906-Lar. Lang. fr.). Emploi subst. N'ai-je pas chez moi un petit vase [japonais] représentant un tronc d'arbuste, montrant toutes les colorations ligneuses et jusqu'au liégeux du vieux bois dans les creux de branches mortes coupées (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, t. 2, 1881, p. 265).
Prononc. et Orth. : []. Ac. 1694 et 1718 : liege; 1740-1835 : -é-; dep. 1878 : -è-. Étymol. et Hist. 1. a) Début XIIIe s. « écorce du chêne vert » (R. DE HOUDENC, Vengeance Raguidel, éd. M. Friedwagner, 5924); b) 1562 « quercus suber » (DU PINET, Histoire du monde, XVI, 8, p. 586); 2. 1902 bot. (Nouv. Lar. ill.). Du lat. pop. levius, élargissement du lat. class. levis « peu pesant, de peu d'importance », le liège ayant été ainsi nommé à cause de sa légèreté. Fréq. abs. littér. : 114. Bbg. COHN (G.). Arch. St. n. Spr. 1899, t. 103, p. 219. - HEHN (V.). Kulturpflanzen und Haustiere in ihrem Übergang. Berlin, 1902, p. 576. - SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 93.

liège [ljɛʒ] n. m.
ÉTYM. 1180; du lat. pop. levius, de levis « léger ».
1 Cour. Matériau léger, imperméable et élastique, formé par la couche externe de l'écorce de certains arbres, en particulier du chêne-liège ou suber; Suber (et dér.). || Détacher de l'arbre ( Démascler) le liège mâle, le liège que produit le chêne-liège vers sa quinzième année. || Liège femelle. || Le liège est très léger, isolant et calorifuge (cit.). || Bouchon, bouée, flottes, flotteurs en liège. || Casque, ceinture en liège. || Semelle de liège. || Liège aggloméré, composé de débris de liège amalgamés. || Liège filmé. || Le liège est utilisé pour la fabrication du linoléum.
2 Bot. Tissu secondaire formé de cellules mortes remplies d'air et dont la membrane est imprégnée de subérine (le liège du chêne-liège en est un cas particulier). || Assise génératrice du liège. Phellogène.
DÉR. Liégé, liéger, liégeur, liégeux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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